Isabelle Fontaine
Formation
J’accompagne des messes depuis l’âge de 12 ans, y compris dans des cathédrales – BORDEAUX et BAYONNE - , et j’ai eu mon premier poste de titulaire à l’âge de 17 ans : de 1992 à 1996, j’ai tenu les orgues MUTIN-CAVAILLE-COLL de l’église
Sainte-Marthe de PANTIN.
Agrégation – concours externe - obtenue en juin 2000 ; avais déjà obtenu le CAPES en 1995, et enseigné en région parisienne, puis dans
l’Aisne
MAITRES :
- Orgue : son oncle Christian ROBERT (BORDEAUX), Hélène HEBRAUD (GAGNY), Odile PIERRE (C.N.R.de PARIS) et Pierre PINCEMAILLE (Conservatoire Claude DEBUSSY – PARIS XVIIème)
- Ecriture au Conservatoire National Supérieur de Musique (CNSM) de PARIS: Roger BOUTRY (harmonie), Jean-Paul HOLSTEIN (contrepoint), Michel MERLET (fugue)
- Composition : Michel MERLET (Ecole Normale de Musique de PARIS)
DIPLOMES :
- Orgue-interprétation : Second Prix des Concours centralisés de la Ville de PARIS (1995)
- Orgue-improvisation : Second Prix du C.N.R. de PARIS (1992)
- Formation Musicale : Médaille d’Or (E.N.M. du RAINCY, 1994)
- Harmonie : Premier Prix du C.N.S.M. (1996)
- Contrepoint : Premier Prix du C.N.S.M. à l’unanimité (1996)
- Fugue : Second Prix du C.N.S.M. (1998)
Entretien avec l'organiste Isabelle
Fontaine,
publié sur le site In XL 6,
portail jeune de l'Eglise catholique en France
Isabelle Fontaine, titulaire de
l'orgue de la cathédrale de Soissons,
à la console de la Basilique Pie X à Lourdes le 7 juillet 2003 (© DR).
Qu'est ce qu'un organiste ?
Etre organiste ne consiste pas seulement
à jouer de l’orgue. C’est aussi participer pleinement à la liturgie et
mettre la musique au service de la prière. Isabelle, 28 ans, nous explique
comment elle conçoit cette tâche, qui s’inscrit à la fois dans sa carrière
de musicienne et dans son itinéraire spirituel.
inXL6 : Isabelle, comment t’est venue cette passion pour l’orgue et
pour la musique liturgique ?
J’ai eu la chance de grandir dans une famille chrétienne et
pratiquante, de fréquenter une école catho, et de grandir dans un milieu très
porté sur la musique, la musique liturgique en particulier, mes parents et mon
oncle étant organistes (je les suivais dans leurs tribunes …)
J’ai commencé par apprendre le piano, mais très vite, j’ai eu envie d’être
organiste …
L’orgue, c’est extraordinaire : une diversité de timbres, tantôt
majestueux et brillants, tantôt doux et mystérieux (symbole de l’unité dans
la diversité !), un instrument qui a traversé les siècles, qui peut créer
toutes sortes de climats, et qui résonne admirablement dans nos églises…
Je pense que c’est pour cela que l’orgue à tuyaux demeure l’instrument
privilégié dans nos liturgies …
A Bordeaux, au MEJ et dans mon collège, je participais avec d’autres jeunes
à l’animation de célébrations, en chantant, jouant de la flûte à bec,
puis à l’orgue ou au synthé.
Et puis j’ai été " lancée " à accompagner des messes sur de
grandes orgues – y compris dans des cathédrales (à Bordeaux et à Bayonne
pour les vacances) - quand j’avais 12 ans.
En 1988, ma famille a déménagé pour la région parisienne. Ce fut une chance,
en particulier pour les études musicales très sérieuses que j’ai pu y faire
(orgue – interprétation et improvisation -, formation musicale, harmonie,
contrepoint et fugue, Faculté de Musicologie en vue du CAPES et de l’Agrégation),
et les musiciens que j’ai pu écouter et rencontrer.
inXL6 : Deux lieux ont particulièrement compté pour toi, lesquels ?
Notre Dame de Paris, avec l’action du chanoine Jehan Revert
qui a su concilier la tradition musicale de la Cathédrale avec les exigences
post-conciliaires.
Et Lourdes, avec l’action du frère Jean-Paul Lécot, organiste et Maître de
chapelle des Sanctuaires, en faveur d’une musique liturgique qui allie la
qualité avec la participation de l’assemblée (d’ailleurs, je suis très en
lien avec les gens de là-bas, et … j’ y ai même joué de l’orgue :
accompagner, à la Basilique St Pie X, la procession eucharistique, avec 17 000
personnes, c’est impressionnant !)
inXL6 : Il y a-t-il eu un moment précis où tout s’est enclenché ?
En effet, quand j’ai eu 14-15 ans, à l’époque de ma
confirmation, j’ai ressenti un appel : le début d’une extraordinaire
aventure musicale et spirituelle, qui continue toujours :
comment concilier ma foi avec ma pratique musicale ? …
D’abord, comme organiste en paroisse, puis plus largement en aidant d’autres
musiciens et d’autres acteurs liturgiques.
Le Seigneur m’a confié des talents, que je dois faire fructifier et mettre au
service de sa Gloire et au service des autres.
Une vocation … ?
De 1990 à 92, j’ai accompagné la messe à la chapelle St André de
Villemomble, sur un instrument électronique d’un seul clavier : c’est là
que je me suis réellement formée à l’accompagnement de répertoires très
divers et à la collaboration paroissiale avec des animateurs jeunes ou adultes.
J’ai ensuite poursuivi comme organiste titulaire bénévole à Ste Marthe de
Pantin, où il y avait un petit orgue … un vrai cette fois ! … un Cavaillé-Coll
: j’ai pu, en plus, allier une dimension artistique et culturelle (à travers
quelques concerts ou des auditions avant la messe).
Devenue prof. de musique en collège, j’ai atterri dans l’Aisne, où je suis
toujours actuellement.
Je n’ai pas retrouvé tout de suite de poste d’organiste, mais me suis très
investie, dans ma paroisse de Saint-Quentin, auprès des jeunes qui se lançaient
dans l’animation des chants à la messe. Et puis cela m’a ouvert à une
dimension plus large de l’Eglise et de la liturgie, si bien que j’ai été
très vite impliquée au plan diocésain, et j’ai eu la chance de suivre un
cycle de formation en pastorale liturgique, le CYFFAL.
inXL6 : Quelle est ta situation aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis à Soissons, organiste titulaire de la
Cathédrale : un édifice magnifique, un beau grand orgue, un bel orgue de chœur,
une bonne chorale liturgique que je dirige aussi parfois et que j’accompagne
lors de ses répétitions…
J’assure 95% des offices comme organiste, mais je participe aussi aux réunions
liturgiques et fais du catéchisme (à des 6èmes).
Sur le doyenné, je m’occupe aussi, avec d’autres jeunes musiciens de
l’animation de messes dîtes " Messes des jeunes ", avec guitares,
batterie, saxophones, flûtes, moi au clavier et d’autres aussi … J’essaie
de les aider, en matière musicale et liturgique, tout en respectant leurs
aspirations (on n’a pas tout à fait la même culture … mais le dialogue est
fructueux !).
Je suis aussi membre de la commission diocésaine de musique liturgique, ayant
une lettre de mission de mon Evêque, en particulier pour la formation et le
soutien des organistes liturgiques, mais je participe aussi à la préparation
et l’animation des " après-midi répertoire intergénération "
pour chanteurs et instrumentistes, ou de célébrations diocésaines
(ordinations, pèlerinage à Lourdes …).
Ma vie ici se veut à la fois musicale et fraternelle …
Je suis plutôt heureuse et je rends grâce au Seigneur !
inXL6 : Tu ne te contentes pas de jouer, tu composes aussi.
Oui, j’écris des pièces pour orgue, pour le concert et
pour la liturgie, de nombreux arrangements et harmonisations, pour la chorale ou
les instruments, des chants liturgiques (notamment : une messe – chantée ici
régulièrement et appréciée par des personnes de milieux différents -qui est
entrain d’être publiée par tranches dans la revue " Voix nouvelles
" - le Gloria est paru en septembre, sous la référence AL 40-83-22) et,
l’été dernier, j’ai écrit un Magnificat pour choeur, solistes, trompette
et orgue, destiné au concert spirituel : peut-être sera-t-il joué un jour, si
Dieu le veut …
Je donne aussi des concerts comme organiste, en y donnant, quand c’est
possible, une dimension spirituelle en lien avec un temps liturgique, et aussi
un aspect pédagogique : je voudrais atténuer une certaine coupure entre
l’Art et la Foi : en ouvrant l’Eglise sur l’extérieur, mais aussi en
faisant en sorte que l’Eglise ne se désapproprie pas son patrimoine.
inXL6 : Quelle définition donnerais-tu de la musique liturgique ?
La question de la musique liturgique est très délicate et
souvent, hélas, source de conflits dans les communautés paroissiales, et il
m’arrive souvent d’être tiraillée entre des exigences musicales et des
exigences pastorales. J’essaie d’être souple et ouverte, tout en affirmant
mes convictions …
La musique en liturgie n’est pas un élément décoratif, mais elle en fait
partie intégrante.
La " participation pleine, consciente et active " de toute l’assemblée
qui célèbre est la priorité, mais l’écoute est aussi une forme de
participation.
La liturgie, " source et sommet " de la vie du chrétien, est un lieu
de rencontre avec le Christ ressuscité, une rencontre qui se fait en Eglise,
signe de l’unité dans la diversité, et qui comporte des dialogues.
Tout cela va déterminer la mise en œuvre et la forme des chants : chants à
refrain, hymnes, psaumes … alternance choeur, solistes, assemblée (ce que
l’on nomme maintenant " pluri-vocalité ".
Il faut aussi des temps de silence, et respecter le mécanisme " tension
– détente ", inhérent à tout rythme humain.
inXL6 : Que penses-tu de la variété des styles musicaux ?
Les styles musicaux sont variés… et il y a eu, après le
concile Vatican II, un foisonnement …
Je pense qu’il faut que toutes les cultures aient leur place, mais dans le
respect des uns et des autres.
Je pense qu’il ne faut pas opposer ce que l’on nomme " Tradition "
(rien n’interdit de chanter du grégorien !) et une soi-disant modernité,
mais plutôt miser sur une Tradition vivante, évolutive, et chercher ce qui
unit.
Je crois qu’il faut aussi tenir compte
- du lieu dans lequel on célèbre (une cathédrale ? une petite chapelle ? en
plein air ? sous un chapiteau ? …)
- de la composition de l’assemblée qui célèbre (est-ce la messe
paroissiale, y a-t-il des enfants, est-ce une assemblée de jeunes ? …)
- et des " moyens " musicaux dont on dispose : a-t-on un organiste
compétent (et, si possible, l’instrument qui va avec), a-t-on une chorale
capable de chanter en polyphonie, a-t-on un orchestre de jeunes, a-t-on des
personnes (jeunes ou adultes) capable de chanter une phrase en soliste … etc.
?
La collaboration entre les différents acteurs de la liturgie, avant, pendant et
après la célébration, est également un élément déterminant : quand on
peut, favoriser un dialogue à la fois vrai, juste et fraternel, l’inter-génération,
la répartition des rôles dans la complémentarité des tâches et des compétences
(" les dons de la grâce sont variés … … ").
Il arrive que l’on ne soit pas d’accord…, mais, au final, on se retrouve
toujours sur l’essentiel : la Foi !
inXL6 : Qu’est-ce qui fait la qualité d’un chant liturgique ?
Probablement :
- La qualité musicale (cela peut paraître subjectif, mais il y quand même des
" lois ") : qualité de la ligne mélodique et rythmique, qualité de
l’harmonisation
- La qualité du texte : ce qu’il transmet du point de vue de la Foi de
l’Eglise, et sa qualité littéraire (poésie, isorythmie …)
- Le lien entre le texte et la musique : comment la musique sert le texte
(prosodie, climat mélodique, rythmique et harmonique)
- Et enfin, résultat de tout cela, le lien avec le rite célébré. En cela,
attention à ne pas confondre chant de veillée et chant pour la liturgie !
inXL6 : Comment envisages-tu ton rôle d'organiste durant la messe ?
C’est en quelque sorte ma propre prière en musique, mise au
service de toute l’assemblée – dont … je fais partie (même perchée là-haut
!).
Quand je joue avant la messe, c’est à la fois pour participer à l’accueil
et habiter le lieu, et pour préluder au chant d’entrée, en donnant " la
couleur ".
Quand j’improvise un interlude après l’homélie, j’essaie que ce soit un
commentaire, un prolongement, de ce qui vient d’être dit… il faut donc être
à l’affût !
Pour la présentation des dons, j’essaie de jouer une pièce assez enjouée,
qui devient plus méditative vers la fin (j’essaie de coller au rite…).
A la communion, ce sera une pièce méditative, qui accompagne le mouvement de
procession.
A la sortie, ce sera une pièce plutôt brillante, joyeuse : cette conclusion
participe à l’Envoi.
Mais, le climat ne sera pas le même selon que l’on est en Avent, à Noël, en
Carême ou à Pâques. D’ailleurs, c’est pareil quand j’accompagne les
chants : je ne mettrai pas les mêmes jeux pour un psaume ou pour un alléluia,
mon phrasé pourra être différent …
Je joue, évidemment, des pièces du répertoire (de Grigny à Langlais, en
passant par Bach, et tant d’autres …), mais j’improvise énormément, car
je suis ainsi plus sûre d’exprimer ce que j’ai dit ci-dessus. Les sources
d’inspiration peuvent être le chant grégorien, le choral, ou un "
cantique " actuel, mais il y a des pièces du répertoire qui ne sont pas
spécifiquement liturgiques mais dont le climat peut convenir.
Enfin, il y a la façon d’introduire les chants, les interludes que l’on
peut improviser – par exemple entre les strophes d’un processionnal de
communion…
Cela demande du métier, et une recherche permanente, à la fois artistique et
spirituelle …
Je suis toujours en marche, toujours en recherche … et c’est passionnant !
Thomas Gueydier
[13/12/2020]